Les cartes postales de Grand-mère – Carte n° 2

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Transcription

Chèr Frère
Je joint un mot a la lettre
de Suzanne je voie mon pauvre
Frère que ses lenfer pour toi de
chauffé tout ses fours vous devéz
cuire de faire un travail aussi
dure par la chaleur qui fait
en ce moment; comme tu dis ils
faut que ce soit la guerre pour
endurée tout cela et bien moi
aussi jai du mal car ce matin
jai tondu avec le sécateur
tout le devant de nos fenêtres
de la cuisine et je te promet
que j’ai eu chaud car le temps
était très orageux et ils à tonnér
une partie de laprès midi et tomber
de l’eau; si tu venait nous voir tu
verait comme ses bien tondu; ses madame
qui ma dit de te le dire; tu sait ils y a
tondre tout autour du jardin car je
tassure que ses pousséé partout jatent
des nouvelles de Jules pour me dire ou ils
est. jespère que sa vat venir; jai écrie
a matante marie et lui ait donner son
adresse; jai été voir madelaine dimanche
tout le monde te dit bonjour je tant voie
une petite photo de Téresse elle dit à
tout le monde que totor est zouaves;
je tenbrasse et te souhaite bon courage
Marie Constantin

Analyse

Cette fois-ci, c’est Marie qui écrit à Victor. Et comme on peut le voir l’orthographe de Marie n’est pas meilleure que celle de sa sœur.

La carte postale représente l’intérieur de la basilique Notre-Dame de Bonsecours en mai, le mois de Marie. Cette église a été construite entre 1838 et 1842. Il y a des pèlerinages à Bonsecours depuis au moins le XIe siècle. Il y en a notamment eu un le 8 septembre 1914, durant lequel l’archevêque de Rouen, monseigneur Fuzet, fit le vœu de mener toutes les paroisses de Rouen en pèlerinage à Bonsecours pendant 20 années consécutives si la ville de Rouen était préservée de l’invasion allemande. Ce fut le cas, et les pèlerinages eurent effectivement lieu pendant vingt ans, jusqu’en 1934.

Il n’y a aucune date ni adresse sur cette carte.

Pour la date, la seule certitude que l’on peut avoir est qu’elle est postérieure à 1906 date d’émission du timbre Semeuse 10 centimes rouge. Par ailleurs, on peut imaginer que Marie l’a envoyée après le pèlerinage de 1914, peut-être en souvenir de ce jour.

Mais un autre indice va me permettre de préciser un peu cette date. En effet Marie écrit que Thérèse dit à tout le monde que Totor est zouave.

Victor est donc zouave au moment où cette carte est envoyée. Je vais donc consulter la fiche matricule de Victor.

Que nous dit cette fiche ?

Outre le fait que Victor a les cheveux et les yeux châtains, les yeux également châtains, un front ordinaire, un nez moyen, une bouche petite, un menton rond et un visage ovale, il est également petit. Trop petit pour faire son service militaire, car il est ajourné pour défaut de taille. Il devait donc mesurer moins d’1m54.

Extrait de la fiche matricule de Firmin Victor Constantin (AD 76 – 1R3023)

Mais malgré tout, en 1914, Victor a 37 ans et est appelé au 4e Régiment de zouaves où il arrive le 21 mars 1915.

Extrait de la fiche matricule de Firmin Victor Constantin (AD 76 – 1R3023)

Notre carte postale a donc été envoyée après mars 1915, mais sans doute pas très longtemps après pour que la petite Thérèse le mentionne avec autant d’instance. Cela devait être quelque chose d’assez nouveau.

Par ailleurs, il est également mentionné dans cette fiche matricule que Victor est alors affecté aux produits chimiques de Saint-Gobain à Aubervilliers. Cette usine fabriquait avant guerre des engrais chimiques. Mais elle se met au service de l’effort de guerre pour la production des produits chimiques nécessaires à la fabrication de poudres et d’explosifs.

C’est sans doute ce à quoi Marie fait référence lorsqu’elle écrit que c’est l’enfer pour lui de chauffer tous ces fours et qu’ils doivent cuire de faire un travail aussi dur par la chaleur qu’il fait en ce moment. D’ailleurs s’il fait chaud, nous sommes sans doute en été, probablement donc l’été 1915.

Marie parle aussi de Jules son autre frère. Elle se demande alors où il est et attend des nouvelles. Il est probablement quelque part sur le front.

Marie évoque encore trois personnes dans sa carte : sa tante Marie, Madeleine et Thérèse.

Nous comprenons d’après la carte que Thérèse est une petite fille. Et comme Marie en parle juste après avoir dit qu’elle était allée voir Madeleine, je suppose que Thérèse est peut-être la fille de Madeleine. Comme nous sommes dans le contexte d’une correspondance familiale, je pense que Madeleine pourrait être une cousine de Marie et Victor. Par ailleurs qui est la tante Marie ? Est-elle la mère de Madeleine ?

Me voici donc partie à la recherche des oncles et tantes de Marie et Victor Constantin.

Grâce à mes amis Geneanet, Filae et AD 76, j’arrive à identifier plusieurs oncles et tantes dont trois Marie et une Maria :

  • Du côté paternel :
    • Maria Joséphine Thibeaux (1854-1914/), mariée en 1873 à Alvimare avec François Pierre Arsène Constantin.
  • Du côté maternel :
    • Louise Marie Caufourier (1864-1926/) mariée en 1881 à Norville avec Alexandre Joseph Nion,
    • Célina Marie Nion (1858-1885/), qui a épousé Achille Théodule Quemin en 1884 à Cleuville. Cet oncle est celui qui était témoin au mariage de Victor,
    • Marie Sophie Nion (1860-1919), qui a épousé Jules Pierre Eugène Defrêne en 1891 à Cleuville.

Je n’ai aucun moyen pour l’instant de savoir laquelle est la tante Marie dont parle Marie.

Mais je pense avoir trouvé qui étaient Madeleine et Thérèse. En effet en reconstituant les couples d’oncles et tantes, j’ai aussi reconstitué leur famille, et si je suis mon hypothèse selon laquelle Madeleine est une cousine de Marie et la mère de Thérèse, il n’y a qu’une Madeleine possible : Marie Madeleine Quemin la fille de Célina Marie Nion et Achille Théodule Quemin. Celle-ci est née en 1885 à Rouen et a donc 30 ans en 1915. Elle est la mère d’une petite Thérèse issue de son mariage en 1908 à Sotteville-lès-Rouen avec Valentin Auguste Peltier. Dans la base de données de l’INSEE des décès en France depuis 1970, une seule Thérèse pourrait correspondre : Thérèse Marie Bernadette Peltier née le 14 août 1913 à Rouen. Mais je ne peux pas vérifier que c’est bien elle car les registres de naissance de Rouen en 1913 ne sont pas disponibles en ligne.

Du coup je pense que la tante Marie est probablement Célina Marie Nion la mère de Madeleine.

Vous l’avez sans doute remarqué, une des tantes maternelles des Constantin, Marie Sophie Nion, était mariée avec Jules Pierre Eugène Defrêne. Bien évidemment je me suis immédiatement dit : « Ah Ah…. serait-ce le lien entre les Constantin et les Defrêne ? ». Et bien… non ! Malheureusement j’ai eu beau remonter dans les deux branches Defrêne, je n’ai trouvé aucun lien.

Lors de ces recherches j’ai trouvé plus d’informations sur Victor et sa femme Suzanne. Ils étaient bien domestiques, mais plus précisément Victor était conducteur d’automobiles et Suzanne était cuisinière.

Avec toutes ces recherches j’ai considérablement étoffé l’arbre de la famille Constantin. Je ne vous le montrerai pas ce serait illisible !

Dans le prochain billet je m’attaquerai à la troisième carte postale.


Sources :

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