Sosa 458 de Marie : Gilbert Boudin

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De même que pour ma propre ascendance, j’ai décidé, pour vérifier, étoffer et donner vie à l’arbre de Marie, de rédiger un billet sur certains de ses ancêtres. Comme tout le monde j’ai mes chouchous, mais pour ne pas faire de jaloux, j’ai décidé de les sélectionner de façon aléatoire, sinon je ne ferais de billet que sur ceux dont je sais déjà qu’ils ont un petit truc en plus. J’ai donc décidé de les tirer au sort dans les générations 3 à 9. Une fois sélectionné, même si je ne connais pas grand-chose sur l’heureux élu, je me fixe pour règle de ne pas tergiverser et de faire un billet sur lui quels qu’en soient l’intérêt et les informations que je possède à son sujet.

Que sais-je de Gilbert Boudin lorsque je commence ce billet ?

Lorsque je tire au sort le sosa 458 de Marie, voici ce que je connais sur Gilbert Boudin (sosa 458) :

  • Il est l’époux de Marguerite Audebert (sosa 459), décédée paroisse Sainte-Colombe à Bordeaux le 8 mars 1790. A son décès elle est veuve de Gilbert qui est dit maître savetier.
  • Il est le père de Catherine Boudin (sosa 239) née également paroisse Sainte-Colombe à Bordeaux le 9 juin 1737. Dans cet acte il est dit cordonnier et est absent.
  • Catherine épouse Marc Antoine Barincou (sosa 238) le 17 février 1762, paroisse Saint-Michel de Bordeaux. A ce mariage un Gilbert Boudin est cité comme présent, mais est-ce le père de Catherine ? Celui-ci ne sait pas signer.

Voilà. C’est peu !

Copie d'écran Hérédis, montrant l'état de mes recherches au début de l'écriture de ce billet.
Ce que je sais de Gilbert Boudin en début de recherche (copie écran Hérédis)

La famille de Gilbert Boudin se dévoile lentement

Réduction de la fourchette de dates

Pour réduire la fourchette possible pour son décès, je décide de revenir sur les actes de baptêmes de ses petits-enfants. Gilbert aurait-il été le parrain de l’un d’entre eux ?

Et je m’aperçois immédiatement que j’ai noté la date et le lieu de naissance du fils aîné de Catherine. Ils s’agit de Gibert Barincou (sosa 114), mais que je n’ai pas l’acte correspondant ! Un fils aîné, qui s’appelle Gilbert, il y a des chances que son grand-père maternel soit son parrain. Je recherche donc l’acte de baptême de Gilbert Barincou, né, d’après mes notes, le 9 décembre 1762, paroisse Sainte-Eulalie à Bordeaux.

Point d’actes de baptême dans cette paroisse sur le site des Archives Départementales de Gironde pour cette période. Je me retourne donc vers le site des Archives Municipales de Bordeaux. Et je ne trouve pas non plus d’actes de baptême à cette date dans cette paroisse. Pour cette date, les actes de mariage et de sépulture sont bien présents sur les deux sites. Je consulte donc l’état des fonds des Archives Municipales de Bordeaux. J’y vois écrit à propos des paroisses bordelaises, que « Seules celles de Saint-André, de Saint-Seurin et de Sainte-Croix remplissaient les fonctions de baptistères.« .

Donc Gilbert Barincou est peut-être né paroisse Sainte-Eulalie, mais n’y a pas été baptisé. J’avais noté en 2019 que je n’avais pas trouvé l’acte dans les paroisses Saint-André, Sainte-Croix et Saint-Nicolas. Il me reste donc au moins à vérifier à Saint-Seurin. Je ne trouve pas. Par acquis de conscience je reviens sur la paroisse Saint-André car la plupart des enfants de Catherine Boudin et Marc Antoine Barincou y ont été baptisés. Et là je trouve l’acte ! J’avais donc mal cherché en 2019 et pourtant j’avais consulté le même registre. Et les parrain et marraine sont ses grands-parents maternels, Gilbert Boudin et Marguerite Audebert.

Acte de baptême de Gilbert Barincou le 9 décembre 1762 paroisse Saint-André à Bordeaux
AM Bordeaux (Saint-André) – BMS 1er janvier 1761-31 décembre 1762 – BORDEAUX GG 113 – vue 140/14

Cela réduit la fourchette pour le décès de Gilbert Boudin à 1762 / 1790.

Recherches de ses parents ou autres enfants

Mes recherches de Gilbert Boudin dans Geneanet ou Filae ne m’apportent aucune information. Il n’existe tout simplement pas dans ces bases. Mais je remarque que dans les actes il est nommé Gilibert et non Gilbert !

Les recherches avec ce prénom m’apportent plusieurs informations supplémentaires.

Tout d’abord la date de mariage de Gilbert et Marguerite, le 28 mai 1732, paroisse Sainte-Eulalie à Bordeaux. Je trouve cet acte sans problème.

Acte de mariage de Gilbert Boudin et Marguerite Audebert le 28 mai 1732 paroisse Sainte-Eulalie à Bordeaux
AM Bordeaux (Saine-Eulalie) – BMS 23 janvier 1732-27 novembre 1736 – BORDEAUX GG 374 – vue 9/107

Cet acte m’apprend que Gilbert est le fils de Jean Guillaume Boudin (sosa 916) et Jeanne Boutin (sosa 917), tous deux décédés.

Certains arbres Généanet indiquent que Gilbert est né à Guitres (33) en 1705. En effet, il existe un acte de baptême à son nom et avec des parents du même nom. Par ailleurs le père est cordonnier, comme Gilbert. Mais, même s’il y a de fortes chances que ce soit bien son acte de baptême, rien ne le prouve. Rien, dans les actes que j’ai trouvé sur lui, ne pointe ce lieu. J’en resterai donc là, jusqu’à ce que je trouve plus d’indices concordants. Soit quand plus d’archives seront en ligne, soit quand j’aurai l’occasion de me rendre aux archives de la Gironde.

Je vous passe les détails de la suite de la recherche pour trouver les actes manquants, des enfants supplémentaires du couple ou plus d’informations sur l’ascendance de Gilbert.

Au bout du compte, je n’ai toujours pas trouvé l’acte de décès de Gilbert. Mais j’ai découvert un autre enfant, Marc né le 23 juin 1734 à Bordeaux. Il semble que Gilbert et Marguerite n’ont eu que deux enfants.

Boudin ou Baudin ?

Et c’est alors que je réalise que le nom de Gilbert était probablement Baudin ou Bodin, plutôt que Boudin. C’était bien avec le nom Bodin qu’avait été rédigé son acte de mariage, mais je n’en avais pas tenu compte. Gilbert ne savait pas signer, mais son fils Marc, si. C’est pourquoi je retiens ce nom de Baudin/Bodin, car c’est ainsi que Marc signait.

Signature de Marc Baudin en 1769

Et tous les descendants de Marc sont nommés Baudin ou Bodin. Aucun ne s’appelle Boudin.

Une famille de cordonniers

Même si Gilbert est qualifié de maître savetier dans l’acte de décès de sa femme, il est dit cordonnier ou maître cordonnier dans tous les autres actes que j’ai trouvé.

Le cordonnier fabriquait et réparait des chaussures en cuir, alors que le savetier n’était pas un fabricant de chaussures neuves, il ne faisait que les réparer.

Gilbert était déjà décédé lors du décès de Marguerite Audebert, il y a donc peut-être eu une erreur sur sa profession ou alors cela dénote un déclassement de Gilbert Boudin à la fin de sa vie.

Existant depuis le Moyen-âge, les corporations vivaient alors leurs dernières années. Elles seront abolies par la Loi Chapelier en 1791.

Celles-ci étaient très réglementées :

  • Leurs membres devaient respecter des statuts fixant les conditions d’apprentissage, de maîtrise, et les normes de production.
  • On devenait maître cordonnier après plusieurs années d’apprentissage (souvent 5 à 7 ans) et de compagnonnage, en présentant un chef-d’œuvre.
  • La corporation gérait la formation, la régulation de la concurrence et le contrôle de la qualité.

A Bordeaux, il y avait une corporation des maîtres cordonniers, mais aussi une corporation des maîtres savetiers.

A l’époque, au cours du 2e tiers du XVIIIe siècle, Gilbert appartenait très probablement à la corporation des maîtres cordonniers de Bordeaux.

Blason de la corporation des maîtres cordonniers de bordeaux issu de l'Armorial d'Hoziers
Blason de la corporation des maîtres cordonniers de bordeaux issu de l’Armorial d’Hoziers (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1114668/f561.item.zoom)

Bordeaux, grande ville portuaire, connaissait une forte croissance au XVIIIe siècle grâce au commerce atlantique (notamment la traite négrière). Cela devait favoriser la demande pour des biens artisanaux comme les chaussures. Gilbert en a-t-il tiré profit ? Il faudra que j’aille aux AD 33 pour essayer d’avoir plus d’informations afin de connaître son statut au sein des assez nombreux maîtres cordonniers bordelais.

Comme son père, Marc est cordonnier.

On peut imaginer que Marc a fait son apprentissage chez son père. Et c’est sans doute dans le cadre de son compagnonnage que vers 1761 il est allé à Nantes. Avait-il prévu d’y rester ? Toujours est-il qu’il s’y marie le 26 janvier 1762 avec Honorée Gibert originaire de la région nantaise. Et il s’installe définitivement là-bas. Au moins 9 enfants naissent de cette union.

Il a probablement également appartenu à la corporation de maîtres cordonniers de Nantes.

Blason de la corporation des maîtres cordonniers de Nantes issu de l’Armorial d’Hoziers (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k111140c/f592.item.zoom)

Des descendants imprimeurs et libraires

Alors que Gilbert étaient cordonnier, tout comme Jean Guillaume, son père probable, et Marc, son fils, aucun des fils de Marc ne le sera.

Les deux fils aînés de Marc Baudin, Jean Marc et Jean Joseph, deviennent imprimeurs et/ou libraires à Nantes, tout comme le seront deux des fils de Jean Marc.

Et je découvre en faisant des recherches sur les libraires nantais que Jules Verne, étudiant, a connu un des deux fils Baudin ! Probablement Jean Marc. En effet Marguerite Allotte de la Fuÿe cite un certain père Bodin, libraire, page 28 de son ouvrage « Jules Verne sa vie son œuvre ».

Extrait de la page 28 de « Jules Verne sa vie son œuvre de M. Allotte de la Fuÿe

Un spécialiste américain de Jules Verne, William Butcher, a émis l’hypothèse que Jean Marc Baudin était le libraire dont parlait Madame Allotte de la Fuÿe. Mais il n’en était pas totalement certain.

Je pense pouvoir affirmer que c’était bien lui.

Dans les différentes adresses que j’ai trouvées pour Jean Marc Baudin, sa dernière est 2 rue de Briord. Or cette adresse correspond parfaitement à la description que fait Madame Allotte de la Fuÿe de la librairie : « la boutique avançait un bec menaçant entre la Place du Pilori et la Grande Rue« .

Voici où se situe le 2 rue de Briord et à quoi ressemble le bâtiment situé à cette adresse :

Sur le plan, le 2 rue de Briord est indiqué par la flèche rouge, la place du Pilori est indiquée avec le n° 119.

Conclusion

Même si je n’ai pas encore pu développer l’ascendance de Gilbert Boudin/Baudin, ni même trouvé sa date et son lieu de décès, j’ai au contraire bien avancé sur sa descendance. Je connaissais déjà assez bien celle de Catherine sa fille, et ne l’ai pas du tout développée ici parce qu’elle fera sans doute un jour l’objet d’un autre billet.

Mais j’ai découvert qu’il avait aussi eu un fils et encore une fois rencontré des personnages qu’il valait le coup d’étudier. L’intérêt de choisir un sosa au hasard pour écrire un billet est encore confirmé. Gilbert Boudin ne faisait pas partie de mes sosas fétiches et je n’aurais sans doute jamais eu l’idée d’en faire le sujet d’un billet. Pourtant cette recherche m’a permis d’enrichir mes connaissances sur les cordonniers bordelais ainsi que sur les imprimeurs et libraires nantais de la première moitié du XIXe siècle.

Je n’ai pas retranscrit tout ce j’ai trouvé et appris, mais je vous invite à parcourir les liens ci-dessous pour en savoir davantage sur les différents sujets abordés.

Sources et pour aller plus loin :

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